Interview Playboy Magazine Italie – Novembre 2013
La revanche du nerd.
Principalement connu en tant que chanteur et guitariste rythmique d’Alter Bridge, Myles Kennedy est désormais une valeur sûre du rock. Nous l’avons rencontré aux USA.
Son film préféré est « Jusqu’au bout du rêve », avec Kevin Costner, la célébration d’un des rêves américains, le baseball ; un film sentimental, sans espérances, un peu comme lui. Myles Kennedy est un chanteur phénoménal, mais pas tant une Rockstar. Il a vécu une certaine « wild life » dans le passé, comme ça a été le cas pour Slash, avec qui il travaille désormais. A 44 ans, il a trouvé un équilibre intérieur, et son passé ne ressort que dans les paroles d’Alter Bridge (leur 4ème album, Fortress, viens juste de sortir) et non pas dans sa façon d’être et de se reconnaître en les autres. Son personnage n’a pas d’égo, mais une complexité hors du commun. Il a commencé tard. Il a passé des années à enseigner la guitare. L’idée de jouer devant 200 personnes relevait de la fantaisie, une pure utopie face à 10 000 personnes. On est à Orlando, dans la salle de répétition d’Alter Bridge. Leur tournée mondiale débute bientôt et avant de sauter dans le premier avion pour l’Europe, le groupe va jouer à la House of Blues, un show pour 3000 fans. Myles est sympathique, comme toujours, presque timide. Normal.
Myles : « Quand j’avais 12 ans, à l’école avec mes amis, je parlais de devenir musicien, mais le côté pratique était plus lointain. Ce n’était pas possible, pas faisable, c’était pas possible de le garder à l’esprit. Ma mère m’a toujours dit d’avoir des ambitions réalisations. J’ai acheté ma première guitare avec mes économies, puis j’ai pensé à jouer avec mes amis, etc. J’ai atteins un but le suivant, sans aller trop loin.
Playboy : y a-t-il eu un moment où tu as compris que tu étais prêt, une circonstance ou quelque chose qui t’a fait tenir le rythme ?
Myles Kennedy : Je me rappelle bien d’un moment, quand j’avais 16 ans, où j’ai compris qu’un jour j’enregistrerais des albums, que je serai musicien. J’étais dans ma chambre, comme le perfectionniste que j’étais et suis encore, et j’ai réalisé qu’aucun de mes rêves n’avait été atteint à 100%. Je voulais jouer au foot, un coureur de demi-fond sur piste et pelouse, mais j’étais trop petit, trop maigre et je me sentais nul dans tout ce qui concernait l’athlétisme. Cette nuit-là, dans ma chambre j’ai décidé de devenir musicien, j’ai décidé que la musique serait ma plus grande passion. Je pense pas avoir voulu devenir une rockstar. Je voulais enregistrer de la musique, avoir de l’interaction avec un public, mais être une star n’a jamais été mon ambition. Ce nom a la capacité de tromper l’esprit des gens. Je l’ai vu avec certains musiciens qui ne sont pas capables de maintenir leur gloire. C’est un concept qui me rend nerveux et je suis sûr que si ce que je vis maintenant m’était arrivé quand j’avais 20 ans, je ne serais pas aussi clean, avec la tête sur les épaules. Je vois des artistes comme Miley Cyrus, Justin Bieber, qui a 18, 20 ans subissent les critiques du monde, et je suis désolé pour eux. Je pense qu’à leur âge, avec toute cette tempête médiatique autour de moi, je n’aurais pas eu un bon esprit.
Playboy : Tu es très émotif, dans tes chansons tu te tords l’âme. Tu disais même certaines te font pleurer.
Myles : Oui, ce sont des moments particuliers. C’est dur de chanter « Blackbird » sans avoir une boule dans la gorge, sans penser à la personne pour qui je l’ai écrite.
Playboy : D’où vient cette sensibilité, cette caractéristique de ta personnalité ?
Myles : La base de tout, où tout a commencé, c’est à la mort de mon père, Richard Bass (sa mère s’est remariée et a pris le nom de Kennedy, ndlr) quand j’avais 4 ans, une douleur qui persiste toujours. C’est bizarre comme plein d’artistes que j’aime pour des raisons inexplicables, sont ceux qui ont perdu leur père, comme Jeff Buckley. C’est comme si je sentais leur douleur dans leur chanson, c’est quelque chose qui m’attire beaucoup.
Playboy : As-tu déjà essayé d’écrire une chanson sur ton père, inspirée de cette perte ?
Myles : une fois. Il y a 12 ans. Il était 3h du matin, je me suis assis et j’ai décidé d’en écrire une. J’ai arrété après 3 heures. Je n’ai pas été capable de le faire et je n’ai plus réessayé. Trop dur.
Playboy : Qu’est-ce qui t’effraie le plus avec l’obscurité qui vit dans ta tête ?
Myles : C’est clair, il y a une partie sombre dans ma personnalité. Je veux que ça reste loin, fermé quelque part. J’ai eu l’occasion de tester sa gravité quand j’avais 25-26 ans. Je sais comment c’est, ce que ça a crée en moi.
Playboy : je vois. Je me demandais pourquoi tu avais pris le chemin des drogues dur, quand tu avais 28-29 ans. Des mauvaises influences sur un environnement ou une personnalité affectent les adolescents, en général. Si c’est pas arrivé avant 28 ans, il est plus dur de commencer.
Myles : C’était étrange mais j’ai grandi, pas seulement physiquement, très lentement. Etre adulte, c’était vraiment un concept à cet age, que je n’aviais pas encore compris. J’étais un enfant dans un corps d’adulte. C’était la tempête parfaite avec une combinaison d’éléments négatifs. Avec Mayfield Four j’ai enregistré un album qui a créé beaucoup de désillusions qui se sont ajoutées à une pile de haine envers moi-même, à cause de situations que je n’avais pas réglée, jamais résolues, en premier celle avec mon père, de laquelle j’ai parlé auparavant. C’était un melting pot de mauvaises situations qui m’ont amené à passer du temps avec des gens que j’aurais dû éviter. Tu veux apaiser la douleur ? Essaye. Je n’ai pas dit « non ». C’est une séduction à laquelle il est difficile de dire non, parce que la douleur s’efface. Durant cette période j’ai perdu des amis et des propres, ce qui m’a fait ouvrir les yeux. Je sortais avec un ami, on faisait des choses qu’on n’aurait pas dû, et le lendemain matin, il est décédé. On m’a appelé, on m’a dit qu’il était décédé. On était ensemble cinq heures auparavant. Ca a été le réveil. Plus jamais. Tenter le diable n’est pas constructif. Pour moi, ce moment me sert de pense-bête constant. Ne replonge pas là dedans, Myles. Garde ce « côté sombre » loin de toi. Ma femme a été essentielle pour me sauver. Elle m’a donné de la force, de la confiance. Ce qui m’a vraiment effrayé, c’est qu’on est humain, on meurt vraiment pour des raisons anormales. Qu’est ce qui se passe si la pièce maîtresse de ta vie venait à manquer ? C’est ce qui me fait peur ; le retour à l’obscurité serait inévitable.
Playboy : Tu vis à Spokane, Washington, une petite ville éloignée de tout, Seattle est la métropole la plus proche. C’est ton refuge, ton Eden ?
Myles : Absolument. C’est vraiment mon refuge, un monde précieux que je protège. J’ai la chance de beaucoup voyager, et je vis de supers moments avec Slash et Alter Bridge, et il m’est rare de pour moi de pouvoir m’échapper à mon monde de paix, à mo Eden. Mais j’essaye toujours de le protéger.
Playboy : Quel métier fait ta femme ?
Myles : Ma femme travaille auprès d’enfants venant de familles déchirées, inadaptées. Son travail est une des raisons pour lesquelles j’ai voulu l’épouser. J’étais l’enfant inadapté qui avait besoin d’une thérapie. Elle est très timide, quand les gens veulent prendre des photos de nous elle part pour ne pas être dessus. Elle n’est que timidité.
Playboy : Elle est belle. J’ai pris une photo avec elle, une fois, au Sonisphère en Italie, en 2011, je l’avais vue backstage. Je n’ai jamais posté la photo.
Myles : Oui, elle vient souvent avec moi. Ca poserait problème si elle n’aimait pas voyager… Merci de ne pas avoir posté la photo.
Playboy : Comment vis-tu ce monde de « Sex, Drugs & Rock N’ Roll » qui t’entoure quand tu es en tournée, notamment la tentation que ça peut représenter ? En parlant du Sonisphere, à Imola en 2011, Sum 41 qui étaient vos voisins, on fait un vraiment bordel en loge avec les femmes, l’alcool et le reggae. Peut-être que Derick voulait se distraire de ses problèmes avec Avril Lavigne, qui sait ?
Myles : Chanceusement, je ne rencontre pas ce côté débauche très souvent. Mes deux groupes sont formés de musiciens très terre à terre, avec la tête sur les épaules. Slash est totalement clean, Mark et les autres mecs d’AB aussi. Mais je pense qu’à mon âge, avec l’expérience que j’ai eu, je resterais droit et cohérent avec mes idées, même s’il y avait des toxicos et alcooliques dans les groupes avec lesquels je bossais. Regarde sans toucher.
Playboy : Tu viens de sortir une paire de lunettes de designer avec Moscot New York, célèbres pour leurs lunettes mais aussi pour leurs travaux de charité. Ils proposent des tests oculaires et des lunettes gratuites pour les enfants les plus pauvres, grâce à leur fondation Moscot Mobileyes. Tu as même fait un concert pour récolter des fonds pour eux. Comment en es-tu arrivé là ?
Myles : on s’est rencontrés l’année dernière. J’ai toujours aimé leurs lunettes. On s’est rencontrés et ils m’ont fait bonne impression. En août ils m’ont appelé pour savoir si j’étais intéressé de mettre ma signature sur deux paires qu’ils allaient sortir, et j’ai suggéré de faire plus, en rapport avec leurs lunettes, de donner l’argent à la fondation, faire un concert, une enchère pour un cours de guitare avec moi, etc. C’est quelque chose d’intéressant, différent. Et j’adore porter ces lunettes sur les photos. On a obtenu beaucoup d’argent pour les enfants et on s’est bien amusés.
Playboy : Es-tu impliqué dans d’autres travaux de charité, plus proches de chez toi ?
Myles : Pas assez, je n’ai pas assez de temps. Mais je suis à moitié impliqué dans une banque de nourriture, à un niveau local, près de chez moi, donc quand je suis là j’y vais et je suis bénévole, je fais les inventaires et je distribue de la nourriture. Ca m’apporte beaucoup (pas pour de l’argent, mais au niveau personnel). Le temps que j’y passe me donne beaucoup de satisfaction personnelle. Ne pas le faire serait égoïste.
Playboy : Ta mère t’a élevé et a toujours été très importante pour toi. Tu as écrit une chanson, de son point de vue, « All Ends Well », qui a pour devise : crois en toi.
Myles : Oui. Quand j’étais petit, j’ai beaucoup lutté pour comprendre quelle était ma vocation, la voie à choisir. J’étais vraiment anxieux. La chanson commence avec des phrases, des mots qu’elle utilisait pour me faire avancer et croire en moi. C’est elle qui m’a fait surmonter cette période. Ma mère a une forte personnalité et a été une personne très important, sur qui prendre exemple. Elle a été mon guide, pendant ces jours. Elle a beaucoup souffert quand mon père est mort, elle était jeune et avait deux enfants à élever, c’était très dur pour elle. Les paroles qu’elle m’a dites étaient de l’or. Ses mots sont devenues mon mantra.
Playboy : T’es-tu déjà demandé comment tu serais en tant que père ?
Myles : Oui, mais mon rythme de vie est tellement intense que j’arrive à peine à suivre. Si j’avais des enfants, je voudrais être là avec eux le plus possible, et pour le moment c’est physiquement impossible. Etre en tour serait égoïste. Mes enfants souffriraient sûrement d’asthme ou autre maladie psychosomatique liées à l’absence d’un père (rire). Mais j’adore les enfants, j’ai diné chez Mark, il a une si belle famille, ses enfants sont incroyables.
Playboy : Un moment incroyable de ta vie a été quand Jimmy Page t’a appelé et que tu as répété avec eux, un moment. Led Zeppelin sont tes idoles, tu devais te sentir minuscule, j’imagine
Myles : Rien, face à eux. Ils voulaient monter un projet ensemble, JPJ et Jimmy avec Jason Bonham, Plant n’était pas inclus donc ils m’ont appelé, on a répété un peu ensemble. Si c’était devenu réalité, c’aurait été quelque chose de similaire à ce que je fais avec Slash, un autre projet à joindre, mais moins exclusif. Etre dans la même pièce, chanter sur les accords de Jimmy Page a été et sera toujours une des moments les plus importants de ma carrière, malgré les griefs.
Playboy : Pour revenir sur Terre, tu te décris comme un geek, un balourd. Tu es toujours comme ça ?
Myles : Totalement, absolument. J’étais comme ça et je suis comme ça. Au fond, je suis toujours un enfant. Quand j’étais adolescent, je n’étais jamais dans le groupe de jeunes cool. Mes amis n’étaient pas les plus populaires de la classe. J’étais un des « spam-nerds ». Je jouais de la trompette, qui n’était pas l’instrument le plus populaire et le plus apprécié. C’est un rôle auquel j’ai été identifié depuis, et ça ne pose pas de problème. Je ne pense pas que le public m’apprécie parce que je suis cool, mais parce que je suis bon et ça me va. J’ai pas de souci si les gens disent que je suis un geek. J’adore Star Wars et je n’ai pas peur de le dire. Darth Vader est mon Dieu. Darth Vader et Jimmy Page ! (rires)
Traduction: LouNRoses pour www.myleskennedy.fr
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